Dormez citoyens, on s'occupe de vous

Publié le par J. M.

    On nous endort avec des discours sécuritaires. Le phénomène n'est pas nouveau. Mais de là à fermer les yeux sur les plus grosses malversations, c'est trop. Réveillez-vous !


    La lucidité. C'est ce que Serge Halimi espérait provoquer chez le lecteur de son pamphlet Les Nouveaux Chiens de Garde.  Le journaliste serait bien étonné de voir que non seulement les Français sont lucides face à la corruption, la collusion et les scandales, mais qu'en plus ils les cautionnent !


    Je ne l'invente pas, c'est dans Le Monde d'hier. Sous la forme d'un bref encadré, c'est de la bouche de Pierre Lascoumes, chercheur au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof), qu'émane ce sombre constat. Evoquant les municipales, l'observateur explique que "les principes éthiques n'arrivent pas au premier rang des préoccupations des électeurs". Ceux-ci, poursuit-il, "considèrent  que la politique, finalement, c'est comme ça, qu'on ne peut procéder autrement". Le clientélisme serait donc, selon la majorité des Français, une sorte de seconde nature, un gène commun à tous les édiles, un travers inné qu'il faudrait bien se résoudre à accepter.newbribe.jpg

    Le mauvais exemple, à force d'être reconduit et rapporté, s'est donc transformé en banalité tolérée, sinon acceptée. Les dérives mafieuses de nos dirigeants ne nous choquent plus, tant que leurs promesses sont tenues et que le boulot est fait. Raisonnement qui n'en finit plus de m'étonner : pardonnerait-on aux violeurs si on savait qu'ils se comportent très bien avec leur mère ? Passerait-on sur les malversations de certains grands patrons au prétexte que ceux-ci brassent chaque jour des millions ?  J'ose espérer que non.

    Justement, dans Marianne, aujourd'hui, retour sur les millions d'euros disparus des caisses de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM). Après avoir été mis en examen, son ancien président, Denis Gauthier-Sauvagnac, aurait touché 1,5 million d'euros de retraite dorée ainsi qu'une colossale compensation financière pour faire face à d'éventuelles condamnations pénales et fiscales, "s'il gardait le silence sur l'identité des bénéficiaires des millions d'euros en liquide", nous livre l'hebdomadaire.

    Ce genre de dérives seraient donc admises par de plus en plus d'électeurs. Alors qu'il ne se passe pas un jour sans que les sociétaires du Medef ou de l'UIMM ne nous resservent leur affligeant argumentaire d'un "SMIC trop haut en France, frein à l'économie", ou des prétendues "barrières législatives" qui grignoteraient leur liberté d'entreprendre et leurs... profits. Mais c'est toujours pareil, pendant qu'on tire à boulets rouges sur les jeunes de banlieues, les chômeurs ou les fonctionnaires, les délinquants des beaux quartiers continuent de s'en mettre plein les poches dans l'indifférence générale.

    Jusque-là, on avait la décence de s'en indigner, par lucidité, donc. Aujourd'hui, c'est fini. On a décidément les dirigeants qu'on mérite.


J. M.
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